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XXIX
INTRODUCTION

tement à la distinction des passions bonnes et des passions mauvaises. Dans l’Éthique, avant d’aborder cette question, qui est l’objet du IVe livre, le de Servitute, il s’étend longuement dans le IIIe sur la nature des passions ; avant de les étudier au point de vue moral, il les étudie au point de vue psychologique ; il en recherche le mécanisme ; il en développe l’enchaînement ; il ne se borne pas à quelques passions fondamentales ; il les poursuit dans toutes leurs combinaisons, dans toutes leurs ramifications, dans tous leurs replis.

Si maintenant nous considérons la théorie en elle-même, nous y verrons encore d’autres différences. Dans notre traité, Spinoza ne fait que reproduire la théorie de Descartes ; dans l’Éthique, il en a une qui lui est propre. Ici, c’est l’admiration qui est la première des passions ; dans l’Éthique, c’est le désir. Ici, la théorie des passions est rattachée à celle des quatre degrés de connaissance ; dans l’Éthique elle se rattache à la théorie tout autrement nette et profonde des idées adéquates et des idées inadéquates. Enfin, dans notre écrit, il n’y a rien, ou rien que de vague, sur l’essence de la passion. Dans l’Éthique, au contraire, la passion est rattachée avec profondeur à « l’effort que fait chaque être pour persévérer dans l’être ».

Le bien et le mal. — Passons maintenant à la théorie ou bien et du mal dans la passion, et, pour cela, revenons sur la distinction du bien et du mal, dont il a été déjà question plus haut.

Tout étant prédestiné dans la nature il n’y a en réalité ni bien ni mal : tout est ce qu’il doit être, parce qu’il est tout ce qu’il peut être. Cependant la distinction du bien et du mal, quoiqu’elle soit tout intellectuelle, doit avoir une signification : c’est cette signification qu’il faut rechercher, pour expliquer la différence des passions bonnes et des passions mauvaises.

Ici, Spinoza introduit une théorie nouvelle, qui se retrouvera dans l’Éthique (IVe partie, préambule), mais dont on ne voit pas trop le fondement dans sa philosophie : c’est la théorie de l’homme parfait, sorte de type