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XXVII
INTRODUCTION

premiers degrés réunis forment l’opinion (δόξα) ; le troisième est le raisonnement, ou la raison discursive (διάνοια) ; le quatrième, la raison pure ou intuitive (νόησις). On voit que, jusqu’aux dénominations, il y a similitude frappante, sinon identité absolue entre les deux théories.

De ces trois opérations fondamentales[1], la première seule, l’opinion, ou connaissance de premier degré, est sujette à errer : elle n’a lieu que dans les choses que nous connaissons par conjecture. La seconde s’appelle foi (fides), parce que nous ne voyons pas la chose en elle-même, mais d’une manière médiate, par le raisonnement ; la dernière, ou connaissance de troisième degré, est fondée sur le sens et la jouissance même de la chose (sensus et fruitio).

Tels sont les faits, suivant Spinoza, c’est-à-dire les modes ou les idées. Voici maintenant les effets, qui ne sont eux-mêmes que d’autres modes, à savoir les passions.

Les passions. – Des deux premiers modes de connaissance (ouï-dire et expérience) naissent toutes les passions, en tant qu’elles sont contraires à la raison ; du troisième mode (la foi vraie) naissent les bons mouvements de l’âme, ou les passions en tant qu’elles sont raisonnables ; du quatrième mode (l’intuition) naît le vrai amour et tout ce qui s’y rattache.

Considérons d’abord les passions, et montrons par quelques exemples comment elles naissent de l’opinion.

Spinoza, comme Descartes, part de l’admiration[2], et il montre qu’elle vient d’une fausse opinion, et de ce que l’on s’est toujours habitué à croire que les choses ne peuvent pas être autres que nous sommes habitués à les voir : par exemple, habitués à voir des brebis à courte queue, nous nous étonnons de voir les brebis

  1. Spinoza compte tantôt 4 degrés, tantôt 3, en réunissant les deux premiers.
  2. L’admiration est prise ici surtout dans le sens d’étonnement.