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XXIII
INTRODUCTION

fondamentales de l’Éthique, mais moins développées : unité de substance, nécessité universelle, le bien et le mal considérés comme êtres de raison.

Voici maintenant une autre théorie de l’Éthique, mais qui cette fois se présente avec quelques développements de plus dans notre ouvrage ; elle offre donc par là un certain intérêt. C’est la distinction entre la nature naturante et la nature naturée.

De la nature naturante et de la nature naturée. — Par nature naturante, Spinoza entend l’être par soi, qui est Dieu. La théorie de la nature naturante est donc contenue dans tout ce qui précède. Spinoza nous apprend ici qu’il emprunte cette expression aux thomistes : ce qui prouve en passant qu’il a eu une connaissance plus ample de la scolastique qu’on serait tenté de le croire.

Quant à la nature naturée, ce qu’il dit ici, quoique très-bref, est très-important et vient heureusement justifier une interprétation proposée par Émile Saisset et qui n’avait jusqu’ici qu’une valeur hypothétique[1]. Il s’agit de la doctrine des modes divins ou modes éternels, intermédiaires entre les attributs de Dieu, d’une part, et de l’autre les modes finis, qui constituent les choses particulières. Ém. Saisset avait insisté sur cette théorie, dont il n’y a que des traces fugitives et obscures dans l’Éthique, mais qui est ici formellement énoncée en termes exprès.

Spinoza distingue deux sortes de nature naturée : l’une générale, l’autre particulière. La nature naturée générale consiste dans les modes qui dépendent immédiatement de Dieu. — La nature naturée particulière consiste dans les choses particulières causées par les modes généraux.

Quels sont ces modes généraux, qui dépendent immédiatement de Dieu ? Il y en a deux : 1o le mouvement dans la matière ; 2o l’intellect dans la pensée.

1o Le mouvement est un mode de ce genre, parce

  1. Ém. Saisset. Introduction aux œuvres de Spinoza (ch. XI).