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XXI
INTRODUCTION

2o Quant à la seconde question, elle n’est qu’un corollaire de la première et se formule ainsi : Y a-t-il des choses contingentes ? tout est-il il nécessaire ? C’est ce que Spinoza appelle la prédestination.

a. Ce qui n’a pas une cause déterminée d’existence est impossible. Or le contingent n’a pas une cause déterminée d’existence. Donc il est impossible.

b. On dira que le contingent a une cause déterminée d’existence, mais qu’elle est elle-même contingente. — Mais, de deux choses l’une : ou bien cette cause est en soi contingente, comme chose et non comme cause, et il lui faut une cause et à celle-ci une autre cause, et cela à l’infini ; et, comme l’on a démontré que tout vient d’une cause unique, il faudrait que celle-là aussi fut contingente ; ce qui est absurde ; ou bien la cause, nécessaire en soi en tant que chose, serait contingente en tant que cause. Mais, si elle n’était pas déterminée à faire une chose plutôt qu’une autre, il serait impossible qu’elle en fit aucune.

Le mal. — L’objection du mal qui s’élève contre la providence s’élève aussi contre la prédestination.

On demandera : 1o comment Dieu, qui est parfait, a pu permettre un tel désordre dans le monde ? 2o comment il a créé l’homme pécheur ?

1o À la première de ces questions, Spinoza répond d’abord que nous ne connaissons pas le tout de l’univers, mais seulement quelques-unes de ses parties : nous ne pouvons donc juger de ce qu’elles sont dans leur rapport avec le tout.

D’ailleurs cette objection vient du préjugé des platoniciens sur les idées. On croit qu’il y a des idées-types avec lesquelles les choses doivent s’accorder. Les aristotéliciens eux-mêmes, qui nient de telles idées, les admettent implicitement lorsqu’ils disent, par exemple, que la Providence n’a pas eu égard aux individus, mais aux genres, que la science a pour objet les choses générales et non les choses individuelles. Ce sont là des préjugés. Il n’y a pas de choses générales, mais seulement des choses particulières, lesquelles sont ce qu’elles