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XIX
INTRODUCTION

synode de Dordrecht en avait fait un article de foi. Sans doute, la prédestination calviniste n’est pas la même chose que la prédestination spinoziste ; la première s’allie avec la personnalité divine : c’est la doctrine de la volonté arbitraire, du bon plaisir absolu. La prédestination spinoziste au contraire n’est autre chose que la nécessité logique et géométrique. Néanmoins, il est permis de penser que le fatalisme chrétien n’a pas été sans influence sur le fatalisme spinoziste. Tout au moins a-t-il dû faciliter l’introduction de cette doctrine. En un mot, il y avait alors moins d’intervalle et d’écart entre la doctrine de Spinoza et l’opinion commune qu’il n’y en aurait eu dans un autre temps et dans un autre pays. Voyons donc ce que Spinoza entend par la prédestination divine.

Déjà, dans un chapitre précédent (ch. IV), en considérant Dieu comme cause, Spinoza avait traité de ce qu’il appelle l’action nécessaire de Dieu, qu’il parait distinguer de ce qu’il appelle prédestination ; mais on ne voit pas trop la différence des deux questions. Dans la première, il démontre que « Dieu ne peut pas agir autrement qu’il n’agit ; » dans la seconde, « qu’il n’y a pas de possibles, et que tout ce qui est possible est réel : » théorie que nous avons du reste déjà signalée (voy. p. xv) mais qui trouve ici tout son développement. Ces deux chapitres réunis contiennent toute la théorie du fatalisme spinoziste : elle est ici déjà complète, absolue, comme elle le sera dans l’Éthique : c’est un point sur lequel Spinoza est arrivé tout d’abord à une conclusion définitive, et où il n’aura rien à changer, rien à ajouter. Voyons-en les deux parties :

1o Dieu ne peut pas faire autre chose que ce qu’il fait.

a. De même que Dieu conçoit tout, de telle sorte que rien ne peut être conçu de plus parfait que ce qu’il a dans son entendement, de même il fait tout de manière qu’il ne peut y avoir rien de plus parfait que ce qu’il fait.

Spinoza sous-entend ici cette mineure, à savoir que, si Dieu pouvait faire autre chose que ce qu’il fait, on