Objection. Mais dira-t-on, affirmer que Dieu ne peut pas créer plus qu’il ne crée, c’est limiter sa toute-puissance. Spinoza répond : Comment Dieu pourrait-il créer plus que tout ? N’est-il pas plus parfait, au regard de Dieu, d’avoir créé tout ce qui est dans son entendement que d’avoir encore quelque chose à créer ? N’est-ce pas comme si l’on soutenait que nous limitons la science de Dieu, en disant qu’il sait tout et qu’il n’a plus rien à apprendre ? Que peut-on savoir plus que de tout savoir ? et de même quelle plus grande puissance que de réaliser tout le possible ?
Tout ce qui précède se résume donc dans un dogme fondamental : l’unité de substance. Toutes les choses que nous voyons dans la nature ne sont donc que les modes et les attributs d’une seule et même substance.
Spinoza confirme cette doctrine par les raisons suivantes :
1o L’unité de substance résulte de l’unité de la nature ; autrement, les êtres ne pourraient pas communiquer les uns avec les autres. Sans l’unité de substance, comment comprendre l’union de la pensée et de l’étendue ?
2o La substance ne pouvant pas être produite, il est de son essence d’exister. Si donc nous trouvons dans la nature des choses qui existent, mais dont l’essence ne soit pas d’exister, ces choses ne sont pas des substances, mais des attributs par exemple, la chose étendue, la chose pensante.
S’il en est ainsi, dira-t-on, l’étendue sera donc un attribut de Dieu. Or, 1o comment un attribut divisible peut-il appartenir à la substance de Dieu, qui est simple ? 2o Comment l’étendue qui est passive, peut-elle appartenir à Dieu qui est essentiellement actif ?
Spinoza répond à la première objection que le tout et les parties sont des êtres de raison et qu’il n’y a rien de tel dans la nature. Pour qu’il y ait de véritables parties, il faut qu’elles puissent être séparées les unes des autres : or, dans l’étendue infinie, les parties ne peuvent être séparées, car qu’y aurait-il entre elles ? La division n’est donc pas dans la substance, mais dans les modes.