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XV
INTRODUCTION

substance infinie, on trouverait peut-être celle de Fénelon plus riche, plus profonde, plus fouillée, plus délicate.

Ainsi, de ces deux propositions la première signifie qu’il n’y a que Dieu ; la seconde, qu’il n’y a qu’un Dieu.

La troisième : « que la substance ne peut produire une autre substance, » est un corollaire des précédentes.

En effet, ou cette substance créée serait supérieure à la substance créatrice, mais rien ne vient de rien ; — ou elle lui serait égale, hypothèse exclue par la proposition précédente ; — ou elle serait moindre, hypothèse exclue par la proposition première.

Dira-t-on que Dieu peut créer une substance finie, qui serait finie par sa nature même ? Mais Spinoza n’admet pas une nature antérieure à l’existence : cela n’est vrai que des choses engendrées, non créées. Créer, c’est produire la nature et l’essence en même temps que l’existence. Dieu créerait donc proprement une substance finie et la limiterait en la créant ; et le dilemme déjà invoqué reparaîtrait.

Quant à la quatrième proposition, elle est la plus difficile et la plus obscure : elle est aussi ce qu’il y a de plus neuf dans la doctrine.

Elle consiste en ceci : qu’il n’y a en Dieu (sous forme idéale), rien autre chose que ce qui existe formellement (effectivement) dans la réalité. — Ce que l’on pourrait traduire par cette formule de Hegel : « Tout ce qui est rationnel est réel. » Elle signifie qu’il n’y a pas dans l’entendement divin rien de plus que dans la réalité, c’est-à-dire que le possible n’est pas plus étendu que le réel.

Spinoza le prouve :

1o Par la puissance infinie de Dieu, car rien ne peut déterminer cette puissance à créer telle chose plutôt que telle autre ;

2o Par la simplicité de la volonté divine ; c’est-à-dire que Dieu n’a pas à choisir ;

3o Parce que Dieu ne peut omettre de créer tout ce qui est bon ;

4o Parce qu’une substance ne peut pas créer une autre substance.