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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE


IV.

L’existence appartient nécessairement à l’essence, et il est impossible qu’il y ait dans l’entendement infini l’idée de l’essence de quelque substance, qui n’existerait pas réellement dans la nature.

Dém. – La vraie essence d’un objet est quelque chose de réellement distinct de l’idée de cet objet ; et ce quelque chose, ou bien existe réellement (par l’ax. III), ou est compris dans une autre chose qui existe réellement et dont il ne se distingue que d’une manière modale et non réelle. Telles sont les choses que nous voyons autour de nous, lesquelles, avant d’exister, étaient contenues en puissance dans l’idée de l’étendue, du mouvement et du repos, et qui, lorsqu’elles existent, ne se distinguent de l’étendue que d’une manière modale et non réelle. Mais il impliquerait contradiction :

1o Que l’essence d’une substance fût comprise ainsi dans l’idée d’une autre chose, dont elle ne se distinguerait pas réellement (contre la 2e proposition) ;

2o Qu’elle pût être produite par le sujet qui la contient (contre la 1re proposition) ;

3o Enfin, qu’elle ne fût pas infinie de sa nature et souverainement parfaite en son genre (contre la 3e proposition). Par conséquent, son essence ne pouvant être comprise dans aucune autre, elle doit exister par elle-même.


Corollaire.

La nature est connue par soi et non par aucune autre chose. Elle est constituée par un nombre infini d’attributs dont chacun est infini ou parfait en son genre, et tel que l’existence appartient à son essence, de telle sorte qu’en dehors d’elle il ne peut y avoir