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DE LA VRAIE LIBERTÉ

en paix avec nous-mêmes ; et nous sommes en dehors de notre élément. C’est pourquoi, lors même que l’entendement, par la connaissance et l’amour de Dieu, n’atteindrait qu’à une paix passagère et périssable, et non à la paix éternelle, comme nous l’avons démontré, ce serait encore notre devoir de la rechercher, puisqu’elle est de telle nature que, lorsqu’on en jouit, on ne voudrait l’échanger pour aucune chose au monde.

Cela étant, c’est une grande absurdité de dire, comme beaucoup de théologiens qui passent pour grands, que si la vie éternelle n’était pas la conséquence de notre amour de Dieu, il faudrait chercher son intérêt propre, comme si l’on pouvait trouver quelque chose de meilleur que Dieu : proposition aussi absurde que si un poisson, qui ne peut vivre hors de l’eau, venait à dire : S’il n’y a pas pour moi de vie éternelle, je veux sortir de l’eau pour vivre sur la terre. Que pourraient dire autre chose, ceux qui ne reconnaissent pas Dieu ?

D’où l’on voit que, pour établir la vérité de ce que nous affirmons sur le salut et sur le bonheur, nous n’avons pas besoin d’autre principe que de celui de notre propre utilité, principe qui est naturel à tout être ; et, puisque l’expérience nous apprend qu’en recherchant la sensualité, la volupté et les choses mondaines, nous y trouvons non notre salut, mais notre perte, nous devons par cela même choisir l’entendement comme guide : mais, cela étant impossible sans être parvenu auparavant à la connaissance et à l’amour de Dieu, il nous faut donc de toute nécessité chercher Dieu ; et enfin, comme il résulte de toutes les recherches précédentes qu’il est le meilleur de tous les biens ; nous sentons que nous devons nous reposer en lui, car, hors de lui, nous ne voyons rien qui puisse nous donner le salut ; la vraie liberté, c’est d’être et de demeurer enchaîné par les liens de son amour.

Enfin, nous voyons encore que la connaissance par