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DE L’AMOUR DE DIEU POUR L’HOMME


CHAPITRE XXIV


DE L’AMOUR DE DIEU POUR L’HOMME.


Nous croyons avoir suffisamment montré jusqu’ici ce que c’est que notre amour envers Dieu, et la conséquence qui en résulte, à savoir notre éternité. Nous ne croyons pas nécessaire de parler des autres choses, telles que la joie en Dieu, la tranquillité de l’âme, parce qu’il est facile de voir, d’après ce que nous avons dit, en quoi elles consistent et ce qu’il faut en dire.

Il nous reste à nous demander si, de même qu’il y a un amour de nous à Dieu, il y a un amour de Dieu à nous, c’est-à-dire si Dieu aime les hommes, en retour de l’amour que les hommes ont pour lui. Or, puisque nous avons dit qu’il n’y a en Dieu aucun autre mode que ceux des créatures elles-mêmes, il s’ensuit qu’on ne peut pas dire que Dieu aime les hommes, et bien moins encore qu’il aime ceux qui l’aiment, et qu’il hait ceux qui le haïssent. Car alors il faudrait supposer que les hommes sont capables de faire quelque chose librement et qu’ils ne dépendent pas de la première cause : ce que nous avons démontré être faux. En outre, ce serait attribuer en Dieu une grande mutabilité, s’il pouvait commencer à aimer ou à haïr, déterminé ou influencé par quelque chose hors de lui. Ce qui serait l’absurdité même.

Mais, quand nous disons que Dieu n’aime pas les hommes, nous ne voulons pas dire qu’il les abandonne à eux-mêmes (séparés de lui), mais au con-