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CONFIRMATION DU PRÉCÉDENT


CHAPITRE XX


CONFIRMATION DU PRÉCÉDENT.


À l’égard de ce que nous venons de dire dans le chapitre précédent, on peut élever les difficultés suivantes :

1o Si le mouvement n’est pas cause des passions, comment se peut-il faire que l’on chasse la tristesse par certains moyens extérieurs, comme par exemple par le vin ?

À cela on peut répondre qu’il faut distinguer entre la perception de l’objet corporel par l’âme, et le jugement qu’elle porte que cet objet est bon ou mauvais[1].

Si donc l’âme est dans l’état dont nous venons de parler, nous avons prouvé qu’elle a la puissance de mouvoir les esprits animaux dans le sens qui lui convient ; mais que cette puissance peut lui être enlevée lorsque, par d’autres causes, cet équilibre du corps est détruit ou changé : or, lorsqu’elle a conscience de ce changement, elle éprouve de la tristesse[2], en raison

  1. C’est-à-dire entre la connaissance en général, et la connaissance relative au bien et au mal. (MS.)
  2. La tristesse dans l’homme est causée par l’opinion qu’un mal lui arrive, par exemple la perte d’un bien. Lorsque cette opinion a lieu, elle a pour effet que les esprits animaux se précipitent à l’entour du cœur, et, avec l’aide des autres parties, le serrent, l’enveloppent, ce qui est le contraire de ce qui a lieu dans la joie : or l’âme prend de nouveau conscience de ce serrement de cœur, et elle en souffre. Que fait donc la médecine ou le vin en cette circonstance ? Ils chassent par leur action les esprits animaux du cœur, et les dissipent de divers côtés ; et, l’âme en étant avertie, éprouve du soulagement, c’est-à-dire que la représentation d’un mal