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DE NOTRE BÉATITUDE

toujours, mais dépend de la disposition des esprits. La cause de ce que nous disons est que l’esprit, qui est l’idée du corps, est tellement uni avec lui, qu’il ne forme avec lui qu’un tout naturel.

Quant aux effets de l’autre attribut, c’est-à-dire de la pensée, le principal est la représentation des choses ; et en raison de la manière dont nous les percevons, nous éprouvons de la haine et de l’amour, effets qui n’enveloppant en aucune façon l’étendue, ne peuvent pas être attribués à l’étendue mais seulement à la pensée. Ainsi la cause de tous les changements qui se produisent dans ces phénomènes ne doit être cherchée que dans la pensée, et non dans l’étendue : comme nous le voyons dans l’amour, dont la production ou la destruction résulte d’une idée, ce qui a lieu (comme nous l’avons déjà dit) lorsque nous apercevons quelque bien dans l’objet aimé ou quelque mal dans l’objet odieux.

Si maintenant ces deux propriétés agissent l’une sur l’autre, l’une éprouve alors quelque passion de la part de l’autre : par exemple, dans l’étendue, la détermination du mouvement, que nous avons le pouvoir de modifier dans la direction que nous voulons. Cette action, par laquelle une des propriétés pâtit de la part de l’autre se produit de la manière suivante, comme nous avons déjà dit : c’est que l’âme peut faire que les esprits qui seraient mus dans un sens soient mus dans un autre sens ; mais, comme les esprits sont mus de leur côté par le corps et peuvent être déjà déterminés dans leur direction, il arrivera donc qu’ayant ainsi une certaine direction en vertu des lois du corps, et en recevant une autre de l’âme, il se produira en nous des combats, dont nous avons

    l'âme ne peut pas créer le mouvement, mais qu’elle peut le diriger. Leibniz, plus tard, nia aussi bien l’un que l’autre. (P. J.)