Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
DE LA VOLONTÉ


CHAPITRE XVI


DE LA VOLONTÉ.


Sachant maintenant ce que c’est que le bien et le mal, le vrai et le faux, et en quoi consiste le bonheur de l’homme parfait, il est temps de venir à la connaissance de nous-mêmes et de voir si pour arriver à ce bonheur nous sommes libres ou nécessités.

Il faut demander d’abord à ceux qui admettent l’existence d’une volonté, ce que c’est que cette volonté et en quoi elle se distingue du désir. Nous appelons désir cette inclination de l’âme qui la porte vers ce qu’elle reconnaît comme un bien. Avant donc que notre désir se porte extérieurement vers quelque objet, il a fallu d’abord porter un jugement, à savoir que telle chose est bonne. C’est cette affirmation prise d’une manière générale comme puissance d’affirmer ou de nier qui s’appelle la volonté[1].

Voyons donc si cette affirmation a lieu en nous librement ou nécessairement, c’est-à-dire si, lorsque

  1. La volonté, prise pour l’affirmation ou pour le jugement, se distingue de la vraie foi et de l’opinion. Elle se distingue de la vraie foi en ce qu’elle peut s’étendre à ce qui n’est pas vraiment bon ; et en ce que la conviction qui s’y trouve n’est pas de nature à voir clairement qu’il est impossible qu’il en soit autrement, ce qui au contraire a lieu et ne doit avoir lieu que dans la vraie foi d’où ne peuvent naître que de bons désirs. D’un autre côté la volonté se distingue de l’opinion, en ce que, dans certains cas, elle peut être assurée et infaillible, tandis que l’opinion ne consiste que dans la conjecture et dans l’à peu près ; si bien qu’on pourrait l’appeler foi vraie, en tant qu’elle est capable de certitude et opinion en tant qu’elle est sujette à l’erreur. (MS.)