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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE


CHAPITRE V


DE L’AMOUR.


L’amour consiste à jouir d’une chose et à s’unir à elle : nous le diviserons donc d’après la nature de son objet, objet dont l’homme cherche à jouir en s’unissant avec lui.

Certains objets sont corruptibles en soi ; d’autres sont incorruptibles par leur cause ; un troisième enfin est éternel et incorruptible par lui-même et par sa propre vertu. Les corruptibles sont les choses particulières qui n’existent pas de toute éternité et qui ont eu un commencement. Les incorruptibles par leur cause, sont les modes universels, dont nous avons déjà dit qu’ils sont les causes des modes particuliers. L’incorruptible par soi est Dieu, ou, ce qui est la même chose, la vérité.

L’amour naît donc de la représentation et de la connaissance que nous avons d’un objet ; et plus l’objet se montre grand et imposant, plus l’amour est grand et imposant en nous.

Nous pouvons nous affranchir de l’amour de deux manières : ou bien par la connaissance d’une chose meilleure, ou bien par l’expérience qui nous apprend que l’objet aimé que nous avons pris pour quelque chose de grand et de magnifique nous apporte beaucoup de douleur, de peine et de dommage.

C’est encore un caractère de l’amour, que nous ne voulons jamais nous affranchir de cette passion absolument (comme nous pouvons le faire pour l’admiration et pour les autres passions) : 1o parce que cela est