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DE L’ORIGINE DES PASSIONS DANS L’OPINION


CHAPITRE III


DE L’ORIGINE DES PASSIONS DANS L’OPINION.


Voyons d’abord comment les passions, comme nous l’avons dit, naissent de l’opinion. Pour le bien faire comprendre, choisissons quelques passions, comme exemples, pour prouver ce que nous disons.

L’admiration est une passion qui naît du premier mode de connaissance, car, lorsque de plusieurs exemples on s’est fait une règle générale, et qu’il se présente un cas contraire à cette règle, on est surpris[1]. Par exemple, celui qui est habitué à ne voir que des brebis à queue courte sera étonné en voyant celles du Maroc, qui ont la queue longue. De même

  1. Il ne faut pas entendre cela comme si l’admiration dût être toujours précédée d’une conclusion formelle ; il suffit qu’elle existe tacitement, lorsque nous pensons que la chose ne peut être autrement que nous n’avons coutume de le croire par expérience, ou par ouï-dire. Ainsi Aristote, disant que le chien est un animal aboyant, concluait de là que tout ce qui aboie est un chien ; mais, lorsqu’un paysan nomme un chien, il entend tacitement la même chose qu’Aristote par sa définition ; de telle sorte que lorsqu’il entend aboyer, il dit : C’est un chien. Par conséquent, le paysan, quoiqu’il n’ait fait aucun raisonnement, cependant, s’il rencontrait un animal aboyant qui ne fût pas un chien, ne serait pas moins étonné qu’Aristote qui a fait un raisonnement exprès. C’est ce qui arrive encore, lorsque nous remarquons un objet auquel nous n’avons pas encore pensé : ce qui serait impossible si nous n’avions préalablement connu quelque chose de semblable en tout ou en partie, mais non assez semblable pour que nous soyons affectés absolument de la même manière. (MS)