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VI
INTRODUCTION

même en le délayant ; elles sont souvent très-obscures ; quelques-unes ont un caractère chrétien assez prononcé : même dans le texte, on trouve quelques expressions du même genre qui sont peut-être des interpolations ; mais ce ne sont là que des détails ; et, pour le corps de l’ouvrage, nous ne pouvons douter que nous ne possédions la première esquisse de l’Éthique, écrite de la main de Spinoza lui-même.

Resterait maintenant à déterminer la date du de Deo et Homine, et sa place dans la série des œuvres de Spinoza. Nous avons pour cela quelques données assez certaines : ce sont les lettres à Oldenburg qui nous les fournissent. La première de ces lettres est de 1661, et elle contient, ainsi que les suivantes, quelques communications de Spinoza sur le livre qu’il est en train de rédiger et qui n’est autre que l’Éthique : or, nous voyons par là qu’à cette époque Spinoza avait déjà donné à son ouvrage la forme géométrique. Il envoie a Oldenburg des axiomes, des définitions ou des propositions. Mais, dans le de Deo, il n’y a pas encore trace de forme et de méthode géométrique. Il suit de là certainement que le de Deo est antérieur à 1661. M. Sigwart croit que c’est de notre traité lui-même qu’il est question dans les lettres à Oldenburg, et par conséquent qu’il serait précisément de l’année 1661 ; mais nous pensons avec M. Trendelenburg et M. Avenarius qu’il faut remonter plus haut, sans cependant fixer de date d’une manière aussi précise que ce dernier.

Il faut remarquer d’ailleurs que l’ouvrage se compose de trois parties distinctes : 1° le traité lui-même ; 2° les dialogues ; 3° l’appendice. Or, ces trois parties ne sont pas contemporaines et se présentent avec des caractères distincts. Les dialogues par exemple, par un certain caractère mystique et oriental, par l’obscurité de la déduction, par le vague de la pensée, sont certainement ce qu’il y a de plus ancien dans Spinoza : on y a retrouvé beaucoup d’analogies avec Giordano Bruno et avec les mystiques panthéistes de la philosophie juive : peut-être même ces dialogues sont-ils antérieurs à l’influence de Descartes. D’un autre côté, l’appendice