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PRÉFACE DE LA SECONDE PARTIE

1. Notre âme est ou une substance ou un mode. Elle n’est pas une substance, car nous avons prouvé qu’il n’y a pas de substance finie dans la nature ; donc elle est un mode.

2. Si l’âme est un mode, elle doit être un mode de l’étendue substantielle, ou un mode de la pensée substantielle ; or elle n’est pas un mode de l’étendue ; donc elle est un mode de la pensée.

3. La pensée substantielle, ne pouvant être finie, est infinie, parfaite en son genre, et est un attribut de Dieu.

4. Une pensée parfaite doit avoir une connaissance (mode de la pensée) de toutes les choses qui existent, tant substance que modes, sans aucune exception.

5. Nous disons « qui existent », parce que nous n’entendons pas parler d’une connaissance ou idée qui aurait pour objet la nature de tous les êtres dans leur ensemble, tels qu’ils sont compris dans leur essence, abstraction faite de leur existence particulière, mais seulement de la connaissance ou idée des choses particulières, en tant qu’elles viennent à l’existence.

6. Cette connaissance ou idée de toute chose particulière, en tant qu’elle arrive à l’existence réelle, est l’âme de cette chose.

7. Toute chose particulière qui arrive à l’existence réelle, devient telle par le mouvement ou par le repos ; et c’est ainsi (c’est-à-dire par le mouvement et le repos) que se produisent tous les modes dans la substance étendue que nous nommons des corps.

8. La différence entre les corps résulte seulement d’une proportion différente de repos et de mouvement : d’où vient que les uns sont d’une manière, les autres d’une autre, les uns ceci, les autres cela.

9. De telle proportion de repos et de mouvement provient l’existence de notre propre corps ; et à ce corps, ainsi qu’à toute autre chose doit correspondre une connaissance ou idée dans la substance pensante ; et c’est cette idée qui est notre âme.

10. Cependant ce corps était dans un autre rapport de repos et de mouvement, quand il était un enfant non encore né, et il sera plus tard dans un autre rapport quand nous serons morts ; et cependant il n’y en avait pas moins alors, et il n’y en aura pas moins dans la suite, une idée ou connaissance de notre corps dans la chose pensante, mais non pas la même, parce que le corps, dans ces deux cas, consiste dans une autre proportion de repos et de mouvement.

11. Donc, pour produire une telle idée (ou mode de penser)