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ÉTHIQUE

veille, et cela montre assez que le Corps peut, par les seules lois de sa nature, beaucoup de choses qui causent à son Âme de l’étonnement. Nul ne sait, en outre, en quelle condition ou par quels moyens l’Âme meut le Corps, ni combien de degrés de mouvement elle peut lui imprimer et avec quelle vitesse elle peut le mouvoir. D’où suit que les hommes, quand ils disent que telle ou telle action du Corps vient de l’Âme, qui a un empire sur le Corps, ne savent pas ce qu’ils disent et ne font rien d’autre qu’avouer en un langage spécieux leur ignorance de la vraie cause d’une action qui n’excite pas en eux d’étonnement. Mais, dira-t-on, que l’on sache ou que l’on ignore par quels moyens l’Âme meut le Corps, on sait cependant, par expérience, que le Corps serait inerte si l’Âme humaine n’était apte à penser. On sait de même, par expérience, qu’il est également au seul pouvoir de l’Âme de parler et de se taire et bien d’autres choses que l’on croit par suite dépendre du décret de l’Âme. Mais, quant au premier argument, je demande à ceux qui invoquent l’expérience, si elle n’enseigne pas aussi que, si de son côté le Corps est inerte, l’Âme est en même temps privée d’aptitude à