Page:Spinoza - Éthique, trad. Appuhn, 1913.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
ÉTHIQUE

Je commence donc par le premier point et j’avertis les Lecteurs qu’ils aient à distinguer soigneusement entre une Idée ou une conception de l’Âme et les Images des choses que nous imaginons. Il est nécessaire aussi qu’ils distinguent entre les idées et les Mots par lesquels nous désignons les choses. Parce que, en effet, beaucoup d’hommes ou bien confondent entièrement ces trois choses : les images, les mots et les idées, ou bien ne les distinguent pas avec assez de soin, ou enfin n’apportent pas à cette distinction assez de prudence, ils ont ignoré complètement cette doctrine de la volonté, dont la connaissance est tout à fait indispensable tant pour la spéculation que pour la sage ordonnance de la vie. Ceux qui, en effet, font consister les idées dans les images qui se forment en nous par la rencontre des corps, se persuadent que les idées des choses à la ressemblance desquelles nous ne pouvons former aucune image, ne sont pas des idées, mais seulement des fictions que nous forgeons par le libre arbitre de la volonté ; ils regardent donc les idées comme des peintures muettes sur un panneau et, l’esprit occupé par ce préjugé, ne voient pas qu’une