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notice sur l’éthique

l’application à la conduite de la vie de la connaissance rationnelle[1], forme le contenu de la quatrième, et sans doute les conséquences politiques et sociales de ce qu’on peut appeler l’utilitarisme spinoziste, furent aperçues par l’auteur plus clairement et exposées plus complètement qu’elles n’auraient pu l’être avant la composition du Traité Théologico-Politique ; le livre bénéficia aussi, cela va sans dire, des lectures faites par l’auteur dans l’intervalle, en particulier de celle de Hobbes et des réflexions auxquelles elle donna lieu. Enfin fut écrite, ou au moins récrite[2], la cinquième partie, c’est-à-dire la théorie de la liberté, l’exposition des moyens par lesquels il est possible à l’homme de s’affranchir de

    dans le Court Traité les six derniers chapitres forment une section à part et les mois de allera pars Ethices, dont il se sert dans la préface de la cinquième partie, montrent qu’il distingue nettement entre la conduite raisonnable de la vie, alors qu’on n’est pas encore affranchi, et l’usage de l’entendement qui conduit à la liberté. J’inclinerai donc à penser que l’Éthique primitive, telle que Spinoza la concevait en 1665, comprenait quatre parties : les deux premières étant à peu près les mêmes que dans la rédaction définitive, la troisième contenant à la fois la théorie des passions, probablement moins développée primitivement, et l’essentiel de ce qui forme actuellement la quatrième partie ; la dernière enfin — peut-être seulement esquissée en 1665 — devait correspondre à la cinquième de l’Éthique définitive.

  1. Nous faisons observer que la connaissance rationnelle (ratio) n’est nullement pour Spinoza la plus haute sorte de connaissance ; voir Éthique, II, prop. 40, scolie 2, et la note explicative où l’on trouvera les références les plus importantes.
  2. La cinquième partie de l’Éthique faisait certainement partie du plan primitif ; j’irais jusqu’à dire que tout l’ouvrage a été composé pour établir que la béatitude n’est pas le prix de la vertu (Éthique, V, prop. 42 et dernière), mais la pensée de Spinoza s’était à la fois précisée et fortifiée pendant les années écoulées de 1661 à 1670, et je pense qu’en 1665 il ne devait pas encore avoir mis sous forme géométrique la théorie de la liberté.