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moins, attribuée aussi à l’usage du lait ou du fromage provenant d’animaux contaminés.

c) Viande.

Nous avons vu que les animaux stabulés dans les étables devenaient rapidement tuberculeux ; ils le deviennent dans la proportion de 30 à 40 p. 100. Les vaches malades sont fréquemment abattues sur place ; les organes farcis de tubercules sont cuits et livrés aux porcs ; la viande est consommée par les habitants.

Les autres bêtes sont livrées à la boucherie ; dans certains endroits, il y a des vétérinaires, mais dans d’autres il n’y a aucun contrôle sérieux. Un inspecteur d’abattoir (à Gérardmer, c’est un ancien gendarme) est chargé d’assister à l’abatage et d’autoriser la vente, s’il y a lieu. Or des vaches, en apparence bien portantes, donnant beaucoup de lait, à tel point que les bouchers eux-mêmes s’y trompent, présentent fréquemment des masses tuberculeuses disséminées dans les plèvres, dans les poumons, dans le péritoine. Nous avons assisté nous-même à l’ouverture de plusieurs de ces animaux. Quand il en est ainsi, on interdit au boucher de vendre la viande dans la commune et le propriétaire est tenu de reprendre sa bête.

Mais que va devenir cette viande dont la vente est interdite dans la commune ? Il est des cas où le propriétaire la donne à manger aux porcs. Mais elle subit presque toujours une autre destination. Achetée à bas prix par des tripiers, privée de toutes les parties atteintes de lésions qui frappent la vue, elle est expédiée aux criées des marchés des grandes villes voisines et aux halles de Paris. Ainsi une viande jugée mauvaise pour la consommation des habitants de telle commune des Vosges, est débitée et vendue comme excellente à la criée de la grande ville et nos ménagères, attirées par le bon marché, vont acheter cette viande évidemment mauvaise, si même elle n’est dangereuse au point de vue de la contagion. Cette viande, en effet, si elle n’est pas soumise à une cuisson parfaite, peut devenir l’origine d’une infection tuberculeuse. Les ganglions innombrables situés dans le tissu cellulaire, entre les muscles, peuvent renfermer des germes morbides. Consommée crue, ou à peine saisie par une cuisson superficielle, cette viande peut donc être essentiellement dangereuse. Combien de tuberculoses, dont l’origine nous semble obscure, sont peut-être dues à une origine infectieuse de cette nature ?