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sonnel de ceux qui en tirent des revenus. En voici un exemple assez plaisant. Il y a quelques années, une mesure radicale, qui avait mis du temps à faire son chemin dans l’opinion, semblait enfin au moment de passer. Un membre du Parlement, zélé partisan de la loi et faisant partie de l’association qui en avait été le promoteur, entra par hasard dans les bureaux de cette association avant la séance dans laquelle on croyait que le bill serait voté ; il trouva le secrétaire et, les employés consternés de la perspective de leur succès, parce qu’ils sentaient bien que leurs places étaient en danger.

Voici donc qui est clair. Sitôt que l’intérêt personnel entre en jeu, il est inévitable qu’avec la meilleure volonté du monde d’être sincères, les gens soient très-empressés à voir ce qui leur est commode, très-peu à voir ce qui les gêne : aussi ne mettent-ils pas beaucoup d’activité à rechercher les faits qui pourraient les contrarier. Il y a donc plus à rabattre des allégations d’une institution ou d’une société plaidant en faveur de ses actes ou de ses projets, que de celles de tout autre témoin. Or, en ce qui concerne les phénomènes sociaux passés et présents, la plupart des renseignements nous viennent par l’entremise de ces sortes d’agents faits pour les fausser ; c’est donc un obstacle de plus à une vision nette des faits.


Quand toutes ces causes d’altération se trouvent combinées, il devient extrêmement laborieux de rassembler de bons matériaux pour les généralisations. Un exemple fera saisir au lecteur la grandeur de la difficulté.

Tous ceux qui s’occupent de médecine savent qu’il était admis, il y a dix ans, que la maladie connue sous le nom de syphilis était devenue beaucoup moins dangereuse qu’autrefois. Les professeurs le disaient en chaire à leurs élèves ; les journaux médicaux l’imprimaient dans leurs colonnes ; c’était un lieu commun que les hommes du métier ne songeaient même pas à discuter. Mais, de même que les fanatiques de la tempérance crient de plus en plus fort à la répression à mesure que l’ivrognerie diminue, de même certaines institutions et certains agents ont fait croire à la nécessité de mesures préventives rigoureuses, au moment même où les