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si lentement pendant une longue suite de siècles, l’instruction a fait en un seul, relativement bien entendu, des pas de géant. Depuis la fondation des écoles du dimanche, par Raikes (1771), et de la première des écoles Lancaster — ainsi nommées du quaker à qui revient l’initiative de l’œuvre (1796) ; — depuis 1811, époque à laquelle l’Église, renonçant à son opposition systématique, fit concurrence aux laïques pour l’éducation des enfants pauvres, les progrès accomplis ont été énormes. Cinquante ans suffirent pour faire une exception du degré d’ignorance qui avait été La règle en Angleterre pendant plusieurs siècles. En 1834, la diffusion rapide quoique discrète de l’instruction rendant chacun plus attentif aux lacunes existantes, on imagina de faire subventionner les écoles par l’État. De 500,000 fr, le chiffre de la subvention s’est élevé en moins de trente ans à 25,000,000. C’est justement aujourd’hui, après cet énorme progrès qui va toujours en s’accélérant, qu’on vient crier : la nation se meurt faute d’instruction ! Aux yeux de celui qui ignorerait le passé et réglerait son jugement sur les allégations des hommes qui ont travaillé à organiser l’éducation, il serait urgent de tenter un effort désespéré pour sauver le peuple anglais de l’abîme du vice et du crime, vers lequel il est poussé par l’ignorance.

Comment la situation subjective d’un témoin vis-à-vis d’un fait objectif fausse son jugement, et comment il s’ensuit que nous devions perpétuellement être sur nos gardes quand il s’agit de questions sociales voilà ce que démontrent les erreurs que l’illusion fait commettre journellement à qui compare le présent au passé. La personne qui après une absence prolongés retourne dans la maison où elle a été élevée, et trouve petits les bâtiments dont elle avait conservé un souvenir grandiose, comprend qu’il n’y a rien de changé sauf elle-même, qui est devenue moins impressionnable et a acquis plus de sens critique. Toutefois cette personne ne remarque pas qu’il en est de même pour tout, et que le sentiment qu’elle a de la décadence des choses n’est en réalité que la sorte de désillusion amenée par l’expérience. On devient plus difficile à contenter en vieillissant, ce qui explique comment tant de personnes s’imaginent voir un recul là où il y a en réalité progrès et vice versa. Ainsi on répète