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mauvais procédé à leur égard ils conviennent de tenir l’ouvrage pour non avenu et nuisent ainsi à sa vente plus que l’annonce de l’éditeur n’y aurait aidé. Et voilà comme un vieux système, qui a rendu dans son temps de grands services, est un obstacle au progrès.

Le commerce de librairie nous fournit un autre fait non moins démonstratif. À une époque où le public lisant était peu nombreux et les livres chers, il s’est fondé des cabinets de lecture permettant de lire un ouvrage sans l’acheter. Assez rares à l’origine, confinés dans certaines localités, ces établissements étaient à peine organisés. Leur nombre et leur importance se sont tellement accrus, qu’aujourd’hui ils forment souvent la principale clientèle des éditeurs. Le système du cabinet de lecture consiste à faire servir un nombre restreint d’exemplaires à un nombre illimité de lecteurs. Il en résulte que, pour faire ses frais, l’éditeur est obligé de coter l’exemplaire fort cher. D’un autre côté, le public a pris l’habitude de s’adresser au cabinet de lecture au lieu d’acheter des livres, et les plus forts rabais ne prévaudraient pas contre la routine. Qu’arrive-t-il ? Sauf pour un petit nombre d’auteurs populaires, le système américain des éditions à bon marché, qui n’est possible que si l’éditeur est assuré de placer un nombre considérable d’exemplaires, est impraticable en Angleterre.

Citons un dernier exemple, tiré du système anglais d’instruction publique. Nos collèges et nos diverses écoles, qui ont rendu jadis d’éminents services, sont devenus par la suite le principal obstacle aux progrès de l’enseignement. Ils sont richement dotés, doués d’un grand prestige, et soutenus par le courant d’idées qu’eux-mêmes forment au moyen de leurs élèves. En fournissant des aliments à un système suranné, ils affament le nouveau. Matériellement, ils empêchent, par le seul fait de leur existence, la création d’établissements nouveaux. D’autre part ils tuent le progrès, en mettant les jeunes gens qui leur passent par les mains hors d’état de comprendre ce qu’est un enseignement perfectionné.

L’instruction populaire nous offre le même tableau. Pour qui regarde les choses de haut, la lutte à laquelle nous assistons en ce moment entre les sécularistes et les dénomi-