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d’autre part sur les variétés d’hommes civilisés et sur l’organisation de leurs nations, pour voir que nos conclusions se trouvent vérifiées par les faits. Les relations qui existent entre les phénomènes de la nature humaine individuelle et les phénomènes de la nature humaine agrégée en société étant ainsi établis à priori et à posteriori, force nous est bien de reconnaître que la nature humaine, étudiée dans les agrégations qu’elle produit, fournit la matière d’une science.

Nous nous sommes bornés à esquisser à grands traits la science sociale ; qu’il nous soit permis de compléter notre ébauche et d’en arrêter les contours. Nous allons rassembler ici un petit nombre de vérités : les unes seront familières à tous les esprits ; nous avons choisi les autres, non en raison de leur intérêt ou de leur importance, mais parce qu’elles sont faciles à exposer. Notre seul but est de faire comprendre clairement au lecteur la nature des vérités sociologiques.

Il est un fait constant, c’est qu’en matière de société, agrégation est inséparable d’organisation. Prenez une société à l’état rudimentaire, formée de quelques éléments incohérents, vous n’y trouverez ni subordination, ni centre d’autorité. C’est seulement lorsque l’agrégat a pris un peu d’importance et de cohésion que s’établissent des chefs pourvus d’attributions déterminées. Sans une structure gouvernementale forte et durable, dont elle suivra l’évolution, jamais une société n’atteindra un grand développement. Il est indispensable qu’il se fasse une sorte de travail préparatoire destiné à diviser les éléments primitivement homogènes en deux parties distinctes : ceux qui coordonneront et ceux qui seront coordonnés.

À mesure que la société grandit, le centre régulateur imite son évolution ; il est devenu permanent, il va infailliblement devenir plus ou moins complexe. Les attributions du chef ne sont pas compliquées dans une petite tribu où le commandement passe de mains en mains, mais à mesure que la tribu grandit, soit parce qu’elle se multiplie, soit parce qu’elle s’assujettit d’autres tribus, l’agent gouvernant se développe graduellement par l’adjonction d’agents régulateurs subordonnés.