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loi pour l’univers et une autre pour l’humanité éprouveront sans doute quelque surprise à la pensée de faire rentrer les agrégats d’hommes dans notre formule. Et cependant, dire que les propriétés des parties déterminent les propriétés du tout, c’est énoncer une vérité générale qui s’applique aussi bien aux sociétés qu’à tout le reste. Un coup d’œil général sur les tribus et les nations passées et présentes suffit pour en donner la preuve, et un rapide examen des conditions du problème montre non moins clairement qu’il ne saurait en être autrement.

Négligeons pour un instant les caractères qui sont particuliers aux races et aux individus ; ne considérons que ceux qui sont communs à toute l’espèce et étudions l’influence qu’exerceront ces caractères sur les relations mutuelles des hommes réunis en société.

Tous les hommes ont des besoins de nourriture auxquels correspondent des désirs. Chez tous, l’activité est une dépense physiologique exigeant une compensation sous forme d’aliments, faute de quoi il y a détérioration ; tous répugnent à cette activité quand elle est poussée à l’excès ou même auparavant. Tous sont sujets à des maux corporels, accompagnés de souffrances et provenant de diverses causes physiques ; tous aussi sont sujets à des souffrances émotionnelles, positives ou négatives, causées par les actions des autres. Ainsi que le disait Shylock, insistant sur cette nature humaine que les juifs possèdent en commun avec les chrétiens :

« Est-ce qu’un juif n’a pas des yeux ? Est-ce qu’un juif n’a pas, comme un chrétien, des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections, des passions ? N’est-il pas nourri de la même nourriture, blessé par les mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes, réchauffé et glacé par le même été et le même hiver ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? Et si vous nous faites du mal, ne nous vengerons-nous pas ? Si nous sommes semblables à vous en tout le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela. »

Bien qu’il soit évident qu’on retrouve chez tous les individus certaines qualités essentielles, on ne sait pas toujours