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des hommes dans une mesure qui peut être déterminée à l’avance. Tout en soutenant que les résultats de la volonté individuelle sont incalculables, il affirme implicitement, lorsqu’il approuve certaines lois et qu’il en blâme d’autres, que les résultats de l’agrégat de volontés sont calculables. Et si l’on peut dire cela de la réunion des volontés en tant qu’elles sont influencées par la législation, on peut le dire de la réunion des volontés en tant qu’elles sont soumises aux influences sociales en général. Si l’on accorde que le désir d’éviter le châtiment agira sur la moyenne des hommes de façon à produire un résultat moyen prévu, il faut aussi accorder que, chez la moyenne des hommes, le désir d’obtenir la meilleure rémunération possible de leur travail, le désir de parvenir à un rang plus élevé, celui d’obtenir des louanges, et ainsi de suite, produiront chacun un certain résultat moyen. Et accorder cela c’est accorder qu’on peut dans une certaine mesure prévoir les phénomènes sociaux, et par conséquent qu’il existe une science sociale.

En résumé, les positions respectives sont celles-ci. D’un côté, s’il n’y a pas de causalité naturelle dans les actions des hommes réunis en société, un gouvernement et une législation sont choses absurdes. On peut, si l’on veut, faire dépendre les Actes du parlement d’un tirage au sort, ou les jouer à pile ou face ; ou mieux encore, on peut s’en passer : les conséquences sociales ne se déroulant pas dans un ordre assignable, on ne saurait compter sur aucun effet ; — tout est dans le chaos. D’un autre côté, s’il y a une causalité naturelle, la combinaison des forces qui produit la combinaison des effets la produit conformément aux lois de ces forces. Et s’il en est ainsi, il est de notre devoir de faire tous nos efforts pour reconnaître la nature des forces, leurs lois, et leur action mutuelle et réciproque.

Tout cela s’éclaircira autant que possible quand nous discuterons la question à laquelle nous allons passer : — quelle est la nature de la science sociale ? Lorsqu’on s’en sera fait une idée précise, on comprendra que la négation d’une science sociale est venue de la confusion qui s’est établie entre les deux classes de phénomènes que présentent les sociétés, classes qui sont essentiellement différentes. La première, presque ignorée par les historiens, constitue