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s’opérait peu à peu, ce sont là des faits qu’on traite comme secondaires.

La même chose arrive quand le jeune garçon passe entre les mains de son maître d’humanités, chez lui ou ailleurs. « Les armes et l’homme » sont la fin comme le commencement de l’histoire. Après la mythologie, qui naturellement est tout à fait essentielle, on passe aux mérites des gouvernements et des soldats, depuis Agamemnon jusqu’à César. La connaissance qu’on acquiert de l’organisation sociale, des mœurs, des idées, de la morale, ne s’étend guère au-delà de ce qui peut se dégager des renseignements biographiques. La valeur de la science est si singulièrement évaluée qu’il serait honteux de n’être pas instruit des amours de Zeus, ou de ne pouvoir nommer celui qui commandait à Marathon, tandis qu’il est permis d’ignorer absolument l’état social qui existait avant Lycurgue, ou bien l’origine et les fonctions de l’Aréopage.

Ainsi la théorie du grand homme en histoire trouve partout des esprits préparés à l’accepter — au fond elle n’est que l’expression précise de ce qui existe à l’état latent dans la pensée du sauvage, de ce qui est implicitement affirmé dans toutes les traditions primitives, et de ce qu’on enseigne à chaque enfant par des exemples sans nombre. La facilité avec laquelle on l’accepte a des causes plus spéciales.

Citons d’abord le goût si universel des personnalités, qui était une qualité active chez l’homme primitif, et qui domine encore. Dans l’enfant qui vous demande de lui raconter une histoire, c’est-à-dire, bien entendu, les aventures de quelqu’un, ce goût est manifeste ; chez les adultes, il se satisfait au moyen des rapports de police, nouvelles de la cour, affaires de divorce, récits d’accidents et listes de naissances, de mariages et de décès ; il se trahit même dans les conversations de la rue ; les fragments de dialogues qu’on entend en passant, montrent que presque toujours entre hommes, et toujours entre femmes, les pronoms personnels reviennent à chaque instant. Si vous voulez apprécier la portée d’esprit d’une personne, vous n’avez pas de meilleur moyen que d’observer quelle est, dans ses discours, la proportion des généralités aux personnalités — dans quelle mesure les vérités simples