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que cette obligation d’agir promptement, invoquée pour se justifier par les personnes sujettes à conclure trop vite sur des données imparfaites, accompagne une instruction insuffisante ? N’est-il pas probable qu’en sociologie comme en biologie, à mesure qu’on accumule les observations, qu’on compare les faits selon les règles de la critique et qu’on en tire des conclusions d’après la méthode scientifique, on sent augmenter ses doutes quant à la bonté des résultats et ses craintes quant aux mauvais effets possibles ? N’est-il pas probable, que ce qui porte dans l’organisme individuel le nom impropre mais commode de vis medicatrix naturæ, a son analogue dans l’organisme social ? N’y a-t-il pas toute apparence qu’en constatant ce fait on verra que, dans les deux cas, la seule chose nécessaire est de maintenir les conditions dans lesquelles les agents naturels ont beau jeu ? La conscience de ces vérités, qu’on peut attendre d’un complément d’instruction, ôtera de sa force à l’argument invoqué par ceux qui agissent vite sans prendre beaucoup d’informations puisqu’elle réprimera la tendance à s’imaginer qu’un remède qui peut faire du bien ne peut pas faire de mal.

Bien plus ; l’étude de la science sociale, — poursuivie méthodiquement en remontant des causes prochaines aux causes éloignées, et en descendant des effets premiers aux effets secondaires et tertiaires — cette étude dissipera l’illusion si répandue que les plaies sociales peuvent être radicalement guéries. Étant donnée une moyenne d’imperfection chez les unités d’une société, aucun procédé ingénieux ne pourra empêcher ce défaut de produire son équivalent en mauvais résultats. Il est possible de changer la forme de ces mauvais résultats ; il est possible de changer l’endroit où ils se produisent : il n’est pas possible de s’en débarrasser. La croyance qu’un caractère vicieux puisse s’organiser socialement de façon à ne pas donner une conduite proportionnellement vicieuse, est une croyance dépourvue de fondement. On peut changer le point où se produira le mal, mais quoi qu’on fasse la somme totale se retrouvera toujours quelque part. Le plus souvent le mal ne fait que changer de forme. Ainsi en Autriche, où l’on empêche les gens qui n’ont pas de quoi vivre de se marier, le nombre des enfants illégi-