Page:Spencer - La Science sociale.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nèrent de grosses sommes d argent pour secourir les gens ruinés, et envoyèrent beaucoup d’hommes et de femmes pour soigner les blessés. »

« Les faits mis au jour par ces recherches sont donc extrêmement instructifs. Maintenant que des milliers et des milliers d’années de discipline ont établi l’harmonie dans la vie des hommes vivant en société — maintenant que les caractères ont fini par s’ajuster aux conditions et réciproquement, nous sommes portés à supposer la nécessité d’une certaine conformité entre les institutions, la conduite, les sentiments et les croyances. Il nous paraît presque impossible que des principes absolument contraires soient journellement mis en pratique dans une même société ; et il nous semble à peine croyable que des hommes aient, ou professent d’avoir, des croyances complètement inconciliables avec leurs actions. La maladie si rare qu’on appelle insanité pourrait seule expliquer la conduite d’une personne qui, sachant fort bien que le feu brûle, mettrait néanmoins sa main dans la flamme. Nous considérerions également comme un fou l’homme qui, tout en déclarant hautement que la bonne morale ordonne d’agir de telle et telle façon, ferait justement le contraire. Les révélations tirées de ces ruines antiques nous montrent cependant que les sociétés pouvaient subsister en dépit de ce qui nous paraît un chaos dans les opinions et la conduite. Bien plus, elles nous montrent qu’il était possible à des hommes de professer une opinion et d’agir en sens contraire, sans paraître avoir le sentiment de leur inconséquence. En voici un témoignage curieux. Parmi les nombreuses institutions fondées dans des buts de bienfaisance, les Anglais comptaient une certaine Société Biblique navale et militaire, dont la fonction était de distribuer des exemplaires de leur livre sacré à leurs combattants de profession de l’armée de terre et de l’armée de mer. Les principaux souscripteurs de cette société, ceux qui la dirigeaient, étaient presque tous des chefs de ces combattants. Le rapporteur suggère qu’on avait sans doute pour cette classe d’hommes une édition expurgée du livre sacré, édition dans laquelle on avait supprimé les préceptes du genre de ceux-ci : « Rendez le bien pour le mal, » « Donne ta joue à celui qui t’a frappé, etc. » C’est possible ; mais, même dans ce