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sède une certaine vertu spécifique, supérieure à celle qui appartient naturellement à un groupe de citoyens subventionnés par les autres citoyens. Mis au pied du mur, ils auront peut-être la prudence de se tenir sur la réserve et de ne pas déclarer formellement qu’un appareil législatif ou administratif peut déployer plus de puissance morale ou matérielle qu’il n’en reçoit de la nation. Ils seront obligés de convenir que la force motrice d’une machine gouvernementale ferait défaut si les citoyens cessaient de l’alimenter par leur travail. Leurs projets n’en impliquent pas moins la croyance à une provision de force indépendante du chiffre des impôts. Quand ils vous demandent : « Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas telle et telle chose à notre place ? » ne croyez pas qu’ils ajoutent mentalement : « Pourquoi le gouvernement ne met-il pas la main dans notre poche et n’y prend-il pas de quoi payer des fonctionnaires pour faire telle et telle chose à notre place ? » Non ; ils ajoutent mentalement : « Pourquoi le gouvernement, dont les ressources sont inépuisables, ne nous fait-il pas ce cadeau ? »

De telles idées en politique vont naturellement de pair avec les conceptions des phénomènes physiques qui sont généralement répandues. De même que l’inventeur du mouvement perpétuel, croit pouvoir, par une ingénieuse disposition des pièces, faire rendre à sa machine plus de force qu’elle n’en a reçu, de même, l’inventeur politique s’imagine ordinairement qu’une machine administrative bien montée, et adroitement maniée, marchera sans dépenser. Il croit obtenir d’un peuple stupide les effets de l’intelligence, et de citoyens inférieurs une qualité de conduite supérieure.

Comment s’étonner que des gens aussi ignorants des choses les plus simples n’aient, en politique, que des notions très-imparfaites ? Mais nous avons le droit d’être surpris que les classes douées d’une culture scientifique ne fassent pas preuve de beaucoup plus d’esprit de méthode que les autres, dans la manière dont elles interprètent les phénomènes sociaux. Tous les savants admettent maintenant que le principe de l’équivalence et de la transformation des forces s’applique aussi bien aux corps organiques qu’aux