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gouvernement central. La bureaucratie fleurit sous tous les régimes, impérial, constitutionnel ou républicain. M. le duc d’Audiffret-Pasquier l’a dit : « Les empires tombent, les ministres passent, les bureaux restent. » L’agrégat de forces et de tendances qui s’incarne, non-seulement dans l’organisation qui fait un seul corps de toute une nation mais encore dans les idées et les sentiments des individus, possède une telle puissance, que si l’on retranche une partie quelconque de l’agrégat, fût-ce le gouvernement, le membre mutilé est immédiatement remplacé par un autre. Il suffira de rappeler la vérité expliquée quelques chapitres plus haut au moyen d’exemples : les propriétés de l’agrégat sont déterminées par les propriétés de ses unités ; on verra aussitôt qu’aussi longtemps que les caractères des citoyens resteront les mêmes dans leurs traits essentiels, l’organisation politique qu’ils ont produite par une lente évolution demeurera aussi essentiellement la même.

Cette double difficulté de pensée, avec les deux sortes d’erreurs où tombent ceux qui ne la surmontent pas, s’associe tout naturellement à une opinion qui a jadis été universellement admise et qui est encore fort répandue. Nous voulons parler de la croyance que les sociétés sont un produit fabriqué et non le produit d’une évolution. Reconnaître que des masses humaines réunies en un seul corps croissent, et acquièrent les caractères fondamentaux de leur structure au moyen d’une série de modifications, c’est exclure du même coup les deux erreurs antithétiques qui consistent à dire que l’humanité ne change pas, mais qu’elle peut se modifier rapidement. Et exclure ces erreurs, c’est admettre comme conséquence que les changements qui ont rendu les arrangements sociaux si différents extérieurement de ce qu’ils étaient, les rendront dans l’avenir non moins différents extérieurement de ce qu’ils sont actuellement. Dès que nous serons familiarisés avec la pensée d’un développement constant et simultané du tout et des parties ces idées, sources de tant d’erreurs, disparaîtront. Prenez un mot et observez comment, tout en s’altérant, il engendre avec le temps une famille de mots également modifiables qui donnent à leur tour naissance à des dérivés. Prenez un usage, celui des œufs de Pâques, par exemple, et voyez ce