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sister, il serait dissipé par ce que nous savons des anciens Mexicains ; lorsque la guerre avait été longtemps sans fournir de victimes, les prêtres allaient se plaindre au roi que le dieu avait faim. Quand un sacrifice humain avait lieu ils offraient le cœur de la victime à l’idole, humectant ses lèvres avec le sang et lui mettant même des morceaux de chair dans la bouche ; ils faisaient ensuite cuire le reste du corps et le mangeaient. Voici le fait commun à plusieurs civilisations sur lequel nous voulons appeler ici l’attention : les sacrifices de prisonniers ou d’autres hommes, d’abord universellement pratiqués chez les cannibales nos ancêtres, persistent dans les usages ecclésiastiques longtemps après avoir disparu de la vie sociale ordinaire. À ce premier fait s’en rattachent étroitement deux autres, qui conduisent aussi à des inductions d’une portée générale. Les instruments tranchants de pierre continuent à être employés dans les sacrifices à une époque où, pour tous les autres usages, on se sert d’instruments de bronze et même de fer : le Deutéronome ordonne aux Hébreux de construire des autels de pierre sans se servir d’outils de fer ; le grand prêtre de Jupiter à Rome se rasait avec un couteau de bronze. La méthode primitive d’obtenir du feu en frottant deux morceaux de bois l’un contre l’autre, survit dans les cérémonies religieuses après qu’elle a été abandonnée dans la vie domestique ; aujourd’hui encore, chez les Hindous, la flamme s’allume sur l’autel au moyen de « la baguette à feu. » Ce sont là des exemples frappants de la ténacité avec laquelle la partie la plus ancienne de l’organisation régulatrice s’attache aux traits qui la caractérisaient à l’origine, en dépit des influences qui modifient tout autour d’elle.

La même remarque peut s’appliquer au langage écrit ou parlé. Les Égyptiens continuèrent à se servir des hiéroglyphes primitifs pour la littérature sacrée, longtemps après qu’un système plus perfectionné eût été adopté pour les usages profanes. Le fait que de nos jours juifs et catholiques romains disent encore leurs offices en hébreu et en latin prouve la force de cette tendance, considérée indépendamment des croyances particulières à chaque religion. En Angleterre même, un cléricalisme moins dominant nous donne