Page:Spencer - La Science sociale.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.

se manifesteront seulement dans le cours d’une de ces longues périodes nécessaires pour façonner le caractère, les habitudes et les sentiments de ce peuple ? — Examinons cette question d’un peu plus près.

Dans une société qui vit, grandit et se modifie, chaque nouveau facteur devient une force permanente, qui modifie plus ou moins la direction du mouvement déterminé par l’agrégat des forces. La marche des changements sociaux n’est jamais simple et directe ; la combinaison de tant de causes diverses la rend irrégulière, compliquée et toujours rhythmique, de sorte que si l’on n’en observe qu’une petite portion, il est impossible de juger de la direction générale. Chaque action sera inévitablement suivie au bout d’un certain temps par quelque réaction, directe ou indirecte, et celle-ci par une contre-réaction ; jusqu’à ce que tous ces effets successifs se soient produits, personne ne peut dire comment le mouvement total sera modifié. Il faut comparer des positions séparées dans le temps par d’immenses intervalles, avant de pouvoir reconnaître avec exactitude la tendance du mouvement. Même lorsqu’il s’agit d’une chose aussi simple qu’une courbe plane, on ne peut en déterminer la nature sans l’examiner sur une longueur considérable. Considérez quatre points voisins les uns des autres. La courbe qui passe par ces quatre points peut être un cercle, une ellipse, une parabole, une hyperbole ; ou bien elle peut être une chaînette, une cycloïde, une spirale. Prenez des points plus distants ; il devient possible de se faire quelque idée de la nature de la courbe ; évidemment ce n’est pas un cercle. Prenez-en de plus distants encore ; on pourra voir que ce n’est ni une ellipse ni une parabole. Lorsque les distances seront relativement grandes, le mathématicien pourra déclarer avec certitude que telle courbe seule passe par les points donnés. Eh bien dans des mouvements aussi complexes et aussi lents que ceux qui constituent la vie d’une nation, dont les inflexions grandes ou petites correspondent à une direction générale, il est impossible de tracer cette direction générale d’après l’examen de périodes rapprochées, — il est impossible de calculer l’effet produit sur la direction générale par l’intervention d’une force additionnelle, d’après des observations qui ne portent