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nombreuse de mendiants et de « hardis coquins, préférant le vol au travail ». Quand, sous Richard II, on donna autorité sur ces gens-là aux juges et sheriffs, — ce qui eut pour résultat immédiat de lier les domestiques, ouvriers et mendiants, à leurs localités respectives ; — quand, pour résoudre le cas des pauvres incapables de travailler par suite d’infirmités, on rendit les habitants responsables dans une certaine mesure des mendiants impotents trouvés sur leur district, — ce qui ramenait sous une forme plus générale le principe féodal des droits réciproques du sol sur l’homme et de l’homme sur le sol ; — quand tout cela se passait, personne ne soupçonnait qu’on posait les fondements d’un système dont le fruit serait un jour une démoralisation menaçant l’Angleterre d’une ruine générale. Lorsque, dans les siècles suivants, — pour arrêter les progrès du vagabondage, que les châtiments étaient impuissants à réprimer, — on remit en vigueur les anciennes lois après leur avoir fait subir des modifications qui jetaient les pauvres à la charge des paroisses et rétablissaient contre les vagabonds les peines les plus sévères, jusqu’à la peine de mort sans bénéfice de clergie — jamais il ne vint à l’esprit de personne, non-seulement que cette législation finirait, grâce à l’énervement graduel de l’élément pénal, par ne plus exercer en pratique qu’une action illusoire contre la fainéantise, mais encore que les arrangements qu’elle entraînait pourraient, dans un cas donné, constituer des primes énormes à la paresse. Personne, législateur ou autre, ne prévoyait que dans l’espace de 230 années, la taxe des pauvres, s’étant élevée à la somme de 175 millions de francs, deviendrait une sorte de gangrène nationale dont on pourrait dire :

« Les ignorants la considèrent comme un fonds inépuisable, à eux appartenant. Pour en avoir sa part, le brutal brutalise les administrateurs, l’homme dissolu invoque des bâtards à nourrir, le paresseux se croise les bras et attend jusqu’à ce qu’il se soit fait donner ; des garçons et des filles ignorants comptent, en se mariant, vivre aux dépens de la taxe des pauvres ; des braconniers, des voleurs et des prostituées extorquent par l’intimidation l’argent qu’elle produit ; dans les campagnes, magistrats et administrateurs prodiguent les fonds, les premiers pour se