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par lequel on pénètre à travers les minces résultats de la surface jusqu’aux grandes causes intérieures — viennent les altérations provenant de la distribution des témoignages dans l’espace. Quel que soit l’ordre politique, religieux, moral, commercial, etc., auquel appartiennent les phénomènes que nous avons à considérer, ils nous apparaissent, dans toute société, si diffus, si multiples, dans des relations si diverses avec nous-mêmes, que dans l’hypothèse la plus favorable nous ne pouvons les concevoir que très-imparfaitement.

Voyez l’impossibilité où nous sommes de concevoir une chose relativement aussi simple que le territoire occupé par une société. Même avec l’aide de cartes géographiques et géologiques dues au lent travail d’élaboration d’une nuée d’observateurs, même avec l’aide de descriptions comprenant les villes, les comtés, les districts ruraux et les parties montagneuses ; même avec l’aide des observations personnelles que nous avons recueillies à l’occasion en voyageant, même avec tout cela nous sommes loin de nous former une idée approximative de la surface du territoire, mélangée de terres arables, de prairies et de bois ; terrain plat, ondulé ou rocheux, drainé par un système de ruisseaux et de rivières, semé de chaumières, de fermes, de villas et de cités. L’imagination se contente de vagabonder çà et là, absolument incapable de se former une idée adéquate de l’ensemble. Comment donc pourrions-nous nous former une idée adéquate d’un sentiment moral, d’un état intellectuel, d’une activité commerciale, répandus sur toute l’étendue de ce territoire, et cela sans cartes, avec le seul secours d’observations faites négligemment par des observateurs négligents ? À l’égard de presque tous les phénomènes présentés par une nation prise en masse, il nous est impossible d’avoir plus qu’une appréhension obscure des choses ; encore faut-il s’en défier extrêmement ; les débats des chambres, les journaux et les conversations, qui fournissent aux opinions les plus contradictoires l’occasion de se produire, sont une démonstration perpétuelle de la nécessité de cette défiance.

Regardez combien le caractère et les actions d’un peuple sont diversement appréciés par les différents voyageurs. On raconte qu’un Français, voyageant en Angleterre depuis trois