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et qu’elle m’avait donnée un jour à baiser, justement pendant que celle-ci lui ramonait le cul avec son godemiché. Elles se rendaient des points dans la pratique du vice.

Nous occupions une table d’encoignure, enveloppée d’une discrète pénombre. Elles se rapprochèrent cuisse contre cuisse sur la banquette, et une cigarette au bec, accoudées d’un bras, le menton dans la main, le regard perdu en une délectation morose sur les groupes de femmes épars dans la salle, elles prirent de concert, ainsi qu’à leur habitude, le scandaleux plaisir de polissonner d’un doigt à l’abri du napperon.

J’en pris tout mon saoul avec Lucine placée à mon côté. Plus protégée des regards que Colette, elle avait ouvert sa jupe trotteuse qui boutonnait à gauche et je voyais, dans l’entre-bâillement de son maillot de soie rose, sa main infléchie sous une noire crépelure, agiter mollement le reflet de ses lourdes bagues.

Elles prolongèrent ainsi le silence de leur rêverie, au gré d’une jouissance qu’elles se distillèrent avec la plus douce nonchalance et dont elles suspendaient le délice dans l’alternance des petites bouffées de fumée odorante et des gorgées d’un cocktail bien corsé. À l’instant savoureux, Lucine et Colette se sourirent d’un regard un peu trouble et les deux mains officieuses sorties de leur cachette enrobée posèrent réciproquement sur les