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recueillis en des livres, un caractère d’autant plus heureux qu’il se différenciait davantage des pièces étrangères et depuis longtemps dominatrices.

On se libérait de toutes parts et la dernière des œuvres superbement et nettement affranchies de l’influence française est cet admirable Sculpteur de masques, signée d’un nom nouveau : Fernand Crommelynck. Pourtant aucune d’elles ne parvint à s’affirmer devant le public avec autant de succès, avec surtout une aussi ferme continuité dans le succès que celle qui provoquera nos applaudissements ce soir. C’est qu’aucune ne renferme parmi ses multiples et radieuses qualités, ni avec autant d’aisance, ni avec autant de bonheur, le charme. Et non pas un charme fait d’esprit léger ou d’élégance facile, mais ce charme plus profond et qui, cette fois, nous appartient en propre, je veux dire le charme de l’intimité.

Avez-vous songé combien il est rare dans la littérature et dans l’art français ? À part Chardin, nul peintre depuis Claude et Poussin jusque Manet et Renoir ne le connaît. Des qualités de composition, de dessin, de couleur, de tons et de valeurs les séduisent, seules, ces grands maîtres. Ils font des chefs-d’œuvre dont certes ni l’observation, ni la force, ni la grandeur, ni le pathétique ne sont absents, mais ils ne cueillent jamais dans le travail cette fleur tendre et comme dissimulée sous l’herbe que nous cultivons si fervemment en notre école. Depuis les Van Eyck, elle s’y trouve. On l’admire dans cet admirable intérieur