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d’égoïstes roublards, d’indécis fuyants, d’ignorants tapageurs, de vaniteux puérils, d’orgueilleux ridicules, de sceptiques calculés, d’indolents vagues, d’envieux sournois, de cervelles creuses, de cœurs lâches, de volontés faibles, de casseurs d’assiettes et de cabotins. Mais suivant l’idéal de telle ou telle génération, idéal qui compose son atmosphère, chacun de ces mauvais éléments reste plus ou moins en devenir ou se manifeste sous une enveloppe plus ou moins laide ou flatteuse.

Cet idéal fut l’entier sacrifice de soi à l’élaboration de l’œuvre. Vingt ans de travaux en fournissent les preuves irrécusables.

Mallarmé et Verlaine, et aussi Villiers de l’Isle-Adam, de leur vie contradictoire nous avaient donné la même héroïque leçon.

On ne se rend pas compte suffisamment combien la nouveauté de cet idéal est dans l’histoire des littératures extraordinaire. Il fut en honneur à certaines époques parmi les artistes ; j amais, parmi les poètes. Chez les romantiques, il n’y eut guère que Gérard de Nerval — le Pauvre Lélian de 1830 — et Vigny, dans sa seconde période, qui en eurent quelque sentiment avec Leconte de Lisle et Léon Dierx chez les parnassiens.

Exceptions rares ! le poète était resté le jongleur des vieux âges. C’était le double d’un acteur et simplement parfois la doublure. Il s’attelait à quelque œuvre non tant pour créer que pour se produire. L’œuvre était moins un but qu’un moyen, et le moyen d’un comédien. Le déploiement de politique de Hugo, de politique littéraire pour se jucher à tout bout de bras, confine aux procédés électoraux les plus honteux. Les lettres de Sainte-Beuve, publiées il y a un an, ont achevé de nous