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Théophile Gautier. Ni cette table, ni ce volume, ne m’intéressaient particulièrement. Mais à mon esprit chaviré il fallait quelque détail précis où il pût se raccrocher. Ce fut grâce à cette table secourable que je ne tombai pas en syncope. Peu à peu, cependant, je me remis et mon attention fut attirée par un magnifique chat qui rôdait autour de nous. Je le désignai du doigt à Quillard qui paraissait aussi pâle et décomposé que moi. Cependant il eut l’audace inouïe de s’emparer du chat, et d’une voix rauque il me demanda : « Stuart, as-tu sur toi des ciseaux ? » Ne supposant pas qu’il désirât émasculer le noble animal, je lui soufflai :« Non, mais pourquoi veux-tu des ciseaux ? » « Pour couper une touffe de poils au chat de Victor Hugo et la garder en souvenir ! »

« Je vous assure que je ne songeai pas à rire, d’autant moins que la panique me reprenait. J’entendais dans l’escalier des pas lourds qui descendaient. C’était Victor Hugo, sans aucun doute. Les pas se rapprochaient. Quillard suait d’émotion, mon cœur battait la chamade. Les pieds mystérieux touchaient à la porte, une main en tour nait le bouton. Nous sentions sur nos tempes le souffle de la petite mort. La porte s’ouvrit lentement, très lentement… C’était la servante qui venait nous dire que monsieur Victor Hugo n’était pas chez lui. O mensonge béni I Nous dégringolâmes quatre à quatre l’escalier, sansattendre Guillaumet, et nous courûmes boire un vulnéraire chez le marchand de vin du coin. » (La Plume, 15 déc. 1903).

Maintenant, qu’on rapproche ce récit de la page suivante de Théophile Gautier au lendemain d’Hernani :

« Deux fois nous montâmes l’escalier lentement, lentement, comme si nos bottes eussent eu des semelles de plomb. L’haleine nous manquait ; nous entendions notre cœurbattre dans notre gorge et des moiteurs glacées nous baignaient les tempes. Arrivés devant la porte, au moment de tirer le cordon de la sonnette, pris d’une