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de la période précédente ; chez le poète le plus vieillottement classique, romantique ou parnassien, on aperçoit vite que l’air a été renouvelé par quelques « pages » de Mallarmé, quelques plaintes de Verlaine, quelques « lignes inégales », de Laforgue, par la sensibilité pittoresque ou pénétrante de Gustave Kahn, de Verhaeren, de Maeterlinck, de Henri de Régnier et de Vielé-Griffin, — pour nommer les plus évidents.

Cette influence ne fut pas restreinte à l’art particulier de la poésie. Si elle imprégna profondément les autres arts, le théâtre et toute la littérature, c’est que les poètes, à coups de petites revues craintes et bafouées, opposèrent peu à peu victorieusement à la doctrine courte du naturalisme la doctrine autrement forte et autrement vaste de leur « idéoréalisme ». La lutte fut prodigieuse entre ces deux pôles : l’Académie française, patronne alors des résultats périmés, et la future Académie des Goncourt, par son fondateur (ne l’oublions pas) proscrite d’avance aux poètes.

Le symbolisme conserve la gloire d’avoir repris et de soutenir la force ascendante de la poésie pure dans l’intimité des âmes.

Son expansion hors des frontières témoigne de toute l’étendue de son influence. Elle est si indéniable que nos critiques trouvèrent le moyen de découvrir et d’admirer chez des étrangers ce qu’ils se refusaient à voir ou dénigraient systématiquement chez nous, les inspirateurs, en même temps qu’au nom des saines traditions, les œuvres inspiratrices étaient condamnées comme antifrançaises !… Si de toute la poésie de ces vingt dernières années, les étrangers, en dépit des Mendès, Deschamps, Dorchain et consorts, retiennent de préférence les œuvres symbolistes, c’est qu’elles sont les plus significatives,