Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

est le difficile ; vivre n’est rien, il s’agit de prouver sa vie pour réellement vivre…

Notre parfait silence eut d’admirable et de concluant qu’il ne fut pas le résultat d’un accord, mais d’une compréhension tacite, — plus séparés individuellement que nous étions jamais par les circonstances ou les difficultés.

Plusieurs le poussèrent aux limites de l’abstention, ils se contentèrent de remplir leur tiroir. D’autres, par une protestation muette contre les corruptions d’un personnalisme agité, imprimèrent leurs poèmes sans nom d’auteur et sans les livrer à la vente.

Or, maintenant que nous nous sommes tus et que les autres ont parlé, crié, hurlé tout à leur aise, de quelles créations, hors de l’élan symboliste, notre art lyrique est-il grandi ?

Avec la conviction qui nous possède, profonde, que le symbolisme (qui ne fut jamais une doctrine étroite) en est encore au départ de sa courbe, nous eussions salué avec joie —comme nous l’avions fait pour les Trophées par exemple — toute œuvre d’art opposée réellement créatrice.

Nous ne craignons paS de le dire tout net : il ne s’en est pas produit.

Ce qui se produisit fut un affaissement extraordinaire des moyens d’expression d’une part, sous couleur de simplicité ou d’humanité ; de l’autre, ce fut la reconfusion de l’art lyrique et de l’art oratoire comme aux temps des plus mauvaises tirades romantiques. Si des poèmes témoignaient de qualités précieuses, il se trouvait qu’en dépit sans doute des auteurs eux-mêmes, elles empruntaient à divers sens du symbolisme leur caractère. Quelques femmes symétriques (qui développérent