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réconcilier la raison avec la rime et le public avec les rimeurs. Ils sont pleins d’allégresse et de bonne volonté. Enregistrons cet excellent symptôme. »

Il y eut la Renaissance classique (nous avions déjà la Renaissance latine), dont le protagoniste, un vague Louis Bertrand, disait : « Nous n’interrogerons le Mystère et l’Infini que dans la mesure où il convient à des hommes éphémères et bornés (!) » Il y eut enfin l’Humanisme qui, au bord de notre fosse, provoqua entre les fossoyeurs d’étranges combats. L’équilibriste M. Fernand Gregh avait écrit :

« L’œuvre du Symbolisme est et restera fort importante.

« Mais enfin la poésie des symbolistes — et les meilleurs d’entre eux l’avouent (?) — a exprimé des rêves abscons et froids, et non la vie. Ils ont créé tout un décor de glaives, d’urnes, de cyprès, de chimères et de licornes qui s’en va déjà rejoindre au magasin des accessoires surannés le décor romantique, les nacelles, les écharpes, les gondoles, les seins brunis et les saules, les cimeterres et les dagues qui en 1850 avaient déjà cessé de plaire. Ils ont abusé du bizarre, de l’abstrus, ils ont souvent parlé un jargon qui n’avait rien de français, ils ont épaissi des ténèbres factices sur des idées qui ne valaient pas toujours les honneurs du mystère. Ils avaient d’abord arboré le nom de décadents sous lequel on les a trop facilement ridiculisés et qu’ils ont vite abandonné pour celui plus relevé de symbolistes ; mais on aurait dit parfois qu’ils voulaient donner un sens rétrospectif à leur première dénomination. Leur inspiration fut trop souvent byzantine. Ils se sont d’abord interdit comme trop vile (?) toute poésie à tendances philosophiques, ou religieuses, ou sociales. Ensuite, même ce qui est individuel chez les symbolistes s’exprime d’une façon si indirecte que l’obscurité en voile souvent l’émotion. Jamais, chez eux, un aveu personnel, un cri, un battement de cœur. Tout est secret,