Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si encore on peut admettre « du haut de Dieu tu vas voir Jébovab »(? ? ?) mais avec plusieurs points d’interrogation, que dire du truisme « la dernière heure est le dernier degré » qui par-dessus le marché amène <\ tu vas voir des gouffres à ton gré >> ? Puis quelles banalités de rimes : « tombeau, beau ; sublime, cime ; éternel, ciel » ! Et quelle redondance uniforme dans le mouvement si peu ému !

Comparer à ces vers les trois strophes parfaites de Francis VieléGriffin est une gracieuseté dont M. Dorchain ne saurait être trop remercié. Une oreille délicate aura tout de suite senti la justesse de ton de ces rimes discrètes et dont pas un geste déplacé ne fausse l’émotion contenue. De simples sons d’âme vraiment, échos du cœur à la pensée ; des rythmes qui battent comme des pulsations, comme des paupières vibrantes qui retiennent leurs larmes… Où est donc A l’effacement de toute symétrie rythmique » ? Des « symétries rythmiques » correspondent tout le temps. — Inutile d’insister.

Par ce petit parrallèle, le lecteur touchera du doigt la manière critique qui sert depuis des années contre les symbolistes.

Cela n’empêche pas M. Albert Sorel de s’exprimer ainsi (Le Temps, 11 novembre 1905) à propos de L’Art des Vers de M. Dorchain :

« …La conception que M. Dorchain se fait du rythme et de la rime explique suffisamment son manque de goût pour la poésie décadente et le vers amorphe, le vers sans rythme et sans rime. Il parcourt, sans sérénité, ces alignements de vocables bizarrement rangés, dont on croirait volontiers, comme l’ironique Gobineau le prétendait des cunéiformes, qu’ils sont des figures magiques, talismans ou amulettes. M. Dorchain manque d’indifférence devant ces jeux du détraquement et du hasard. C’est qu’il est poète et très français, que cet exotisme l’alarme, que cette dislocation de la langue, cet énervement de la pensée le navrent. Il y découvre non une suite de l’évolution naturelle de l’ouïe française et du vers français, mais la dégradation du vers, la dégénérescence du génie poétique.

Peut-être y apporte-t-il plus de sérieux que n’en comporte l’affaire. La poésie française a traversé d’autres crises de neurasthénie. Ni le bel esprit n’a empêché l’’Ecole des femmes, ni le jargon n’a empêché Phèdre. Marivaudage de graphologues, flirtage d’occultistes ; musique pour les yeux, peinture pour les oreilles, poésie pour l’odorat ; mots en anagrammes, phrases