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Cette citation qui nous remet bien dans la manière bousculée de notre fossoyeur, nous la connaissions, n’est-ce pas ? Nous savions déjà que nous étions « morts », il y a cinq ans, parce que nous étions « retirés de la vie »… la vie pratique, la vie économique, la vie sociale, etc., etc.

Vraiment M. Mauclair joue de malheur ; il se trouve qu’au point de vue « pratique », jamais poètes, — à la différence des romantiques et des parnassiens qui pour la plupart vivaient en marge, — n’auront connu deplus près que les symbolistes la vie de leur temps. Il n’y en a pas plus de trois ou quatre qui se contentent d’habiter leurs rêves ou soient même professionnellement des « hommes de lettres ». Nuls plus qu’eux n’ont accepté la vie de tous, ne se sont mêlés à la vie pratique, aux métiers administratifs, industriels ou ruraux. L’un est un agronome actif, maire de sa commune ; l’autre est un bon constructeur d’automobiles ; celui-ci est un médecin de campagne qui fouille et soulage toutes les misères ; celui-là est un excellent agent consulaire d’Extrême-Orient, fort expert sur les problèmes de la main-d’œuvre asiatique ; tel qui écrit un peu partout et dont le titre est « littérateur » s’occupe de vingt affaires diverses, industrielles et commerciales ; tel autre enfin vit de la terre, éleveur et fermier. Et ce ne sont pas des vaincus de l’art ; tous produisent, tous mettent au-dessus de tout leur nom de poète, sachant jouer leur rôle social sans en faire parade, et S’inspirer De La Vie Sans Qu’elle Déforme L’œuvre. L’art est pour eux, en même temps que leur raison de vivre, non un excitateur artificiel ni un travail forcé de professionnel, mais ce qu’il devra être de plus en plus, un surcroît d’activité, une surabondance de nature.

Nous ne voulons pas dire que le poète ne doit s’abandonner