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méridional n’eût jamais pu se draper dans toute la défroque du théâtr# romantique !

Chose curieuse : ce qui est vrai pour la poésie française l’est pour la poésie de toutes les littératures occidentales ; on ne l’a pas assez vu.

Puis le serfs poétique des choses est périodiquement mangé en France par les appétits du réalisme satirique ou desséché par l’abstraction discursive. Au xiiie siècle, réalisme par le débordement ordurier des fabliaux ; au xiv* et au xv*, abstrac- , tion par les allégories mécaniques des jeux de rimes en casse-tête et rébus ; au xvie, réalisme par l’exubérance rabelaisienne ; au xviie, abstraction et réalisme à la fois par le goût exclusif de la vérité raisonnée ; au xvm », abstraction par la recherche non moins exclusive du trait d’esprit tout sec ; enfin au xixe siècle, réalisme par la poursuite du document bas.

Les contemporains en avaient conscience. Voltaire qui, pour cause, se plaignait de la « sécheresse de notre langue », écrivait :

« Oserai-je le dire ?… de toutes les nations polies la nôtre est la moins poétique. v (Essai sur le poème épique, chap. IX).

Théophile Gautier confirme :

« Tout c« qui est poésie et lyrisme répugne naturellement au public français, le public le plus indolent et le moins attentif qui soit. La poésie ne se comprend pas au premier coup ; il faut être dans un état d’âme particulier pour en bien percevoir les beautés, et le Français veut comprendre au premier coup et même sans avoir écouté. Tout ce qui est sur un ton un peu élevé, tout ce qui palpite et bat des ailes lui est parcela même suspect ; ilest travaillé de la peur