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AVANT-PROPOS


Il n’y a pas beaucoup de gens qui savent où ils en sont… Comment des poètes le sauraient-ils plus que les autres ? Et s’ils le savent, en quoi importe-t-il aux autres de le savoir ? et combien de ces autres s’en soucieront ? M. Harduin promulgue : « Tout le monde se f… de la poésie. Seulement il ne faut pas le dire. » — Cet hommage est notre excuse.

Mais les poètes n’ont besoin vis-à-vis de la foule d’aucune excuse. En dépit de toutes les apparences, même de M. Harduin, le nombre n’agit pas, il est agi.

Il est possible que le nombre vive, les solitaires existent. L’action féconde ne se propage que par succession d’unités.

Dans chaque peuple, les sept ou huit poètes créateurs d’un temps, — nous sommes larges — jusqu’aux trois ou quatre trouveurs mathématiciens, forment, avec les espèces intermédiaires, ce conglomérat de minorités qui soutient tout et sans lequel l’univers passerait comme s’il n’était point.

Ces minorités peuvent se méconnaître, côte à côte, dans une parfaite ignorance mutuelle : il est presque indifférent, quand il n’est pas nuisible, qu’elles se pénètrent ; il suffit, pour leur union, que les agrège la grande force souveraine de l’esprit ; pour leur puissance,