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au passage ouvrent mille perspectives. Vous cherchez à comprendre ces révélations incomplètes, comme l’antiquaire s’efforce de déchiffrer l’inscription mutilée de quelque vieux monument, vous bâtissez une histoire sur un geste, sur une parole !… Jeux émouvants de l’intelligence qui se repose dans la fiction des lourdes banalités du réel.

Hélas ! en passant près de la porte cochère d’un hôtel, j’ai, tout à l’heure, aperçu un triste sujet pour une de ces histoires. Au coin le moins lumineux, un homme était debout, la tête nue et tendant son chapeau à la charité des passants. Son habit avait cette propreté indigente qui prouve une misère longtemps combattue. Boutonné avec soin, il cachait l’absence du linge. Le visage à demi voilé par de longs cheveux gris et les yeux fermés, comme s’il eût voulu échapper au spectacle de son humiliation, le mendiant demeurait muet, sans mouvement. Les promeneurs passaient avec distraction à côté de cette indigence qu’enveloppaient le silence et l’ombre ! Heureux d’échapper à l’importunité de la plainte, ils détournaient les yeux ! Tout à coup la porte cochère a glissé