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Le vieil amateur m’a jeté un regard, non de colère, mais de dédain. Evidemment je venais de me révéler à lui pour un barbare incapable de comprendre les arts et indigne d’en jouir. Il s’est levé sans répondre, il a repris brusquement le Jordaens, et il est allé le reporter dans sa cachette derrière les cartons.

C’était une manière de me congédier ; j’ai salué et je suis sorti.

Sept heures. Rentré chez moi, je trouve mon eau qui bout sur ma petite lampe ; je me mets à moudre le moka et je dispose ma cafetière.

La préparation de son café est, pour un solitaire, l’opération domestique la plus délicate et la plus attrayante ; c’est le grand œuvre des ménages de garçon.

Le café tient, pour ainsi dire, le milieu entre la nourriture corporelle et la nourriture spirituelle. Il agit agréablement, tout à la fois, sur les sens et sur la pensée. Son arome seul donne à l’esprit je ne sais quelle activité joyeuse ; c’est un génie qui prête ses ailes à notre fantaisie et l’emporte au pays des Mille et une Nuits. Quand je suis plongé dans mon