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J’ai répondu que je le trouvais au moins bien philosophique pour un souper de carnaval. M. Antoine a hoché la tête et s’est remis à table.

— Chacun fête les grands jours à sa manière, a-t-il repris en recommençant à plonger un croûton dans son verre. Il y a des gourmets de plusieurs genres, et tous les régals ne sont point destinés à flatter le palais ; il en existe aussi pour les oreilles et pour les yeux.

J’ai regardé involontairement autour de moi, comme si j’eusse cherché l’invisible festin qui pouvait le dédommager d’un pareil souper.

Il m’a compris sans doute, car il s’est levé avec la lenteur magistrale d’un homme sûr de ce qu’il va faire ; il a fouillé derrière plusieurs cadres, en a tiré une toile sur laquelle il a passé la main, et qu’il est venu placer silencieusement sous la lumière de la lampe.

Elle représentait un beau vieillard qui, assis à table avec sa femme, sa fille et ses enfants, chante, accompagné par des musiciens qu’on aperçoit derrière. J’ai reconnu, au premier aspect, cette composition, que j’avais souvent admirée au Louvre, et